Stratégie Voyage de Google

Stratégie Voyage de Google

Depuis mon départ du Groupe Odigeo l’été 2012 il me démangeait de donner mon point de vue sur la Stratégie Voyage de Google, j’ai lu beaucoup de chose et entendu beaucoup de discours de langue de bois. C’est le rachat de Frommer’s, vaste site américain de contenu sur le voyage, qui a motivé mon envie d’écrire sur le sujet. Google a jetté selon moi un monstrueux pavé dans la marre avec ce nième rachat, passé quelque peu inaperçu… Déjà le rachat de STA par Google avait jeté un froid sur la planète des OTA, Google s’offrant la technologie d’un GDS (dont l’utilisation de la techno n’est effective que depuis quelques semaines dans les SERP).

Pour tenter de comprendre les enjeux d’une telle acquisition (Frommer’s), il faut revenir sur le cheminement de Google ces 5 dernières années, et sa route vers la désintermédiation incessante.

  • D’abord la chasse aux sites d’affiliations (de la célèbre update Google Florida en 2004, dont j’ai personnellement fait les frais 😉 en passant par les récentes mises à jour Panda et Pingouin dont les principaux effets de bord furent de supprimer tous les sites parasites/MFA/SEO black/ qui font de l’intermédiation vers les sites de voyages finaux  (et donc polluent les SERP) .
  • L’amélioration de Google Map, la mise en place de la recherche universelle, la part belle faite aux Hôtels indexés en direct (via Google Places ou Business Center désormais integré dans Google+), suivi du lancement de Hotel Finder.
  • Utilisation des Reviews Tripadvisor par google alors que ce dernier commence à perdre des positions – donc du trafic depuis Google – nouvelle typologie de victime de la désintermédiation, TripAdvisor interdit alors à Google d’utiliser ses avis. Combat perdu d’avance, Google se passe très bien de Tripadvisor, agrège plein d’autre avis utilisateurs de divers site, en plus des siens et… de l’acquisition de Zagat.
  • Une place toujours plus importante est laissée aux hôteliers via l’intégration des Google Map et Google Places (remplacé par Google+ aujourd’hui) et apparition des mega sitelink hôtel dans ses résultats de recherche organiques….
  • Rachat de STA, technologie dont dépend Kayak, le N°1 des comparateurs de vol aux USA qui, contrairement à la France où les OTA arrivent encore à faire du lobbying (pour encore combien de temps ?), compare Agent de voyage et compagnie aérienne en même temps.
  • Google Flight et Hotel finder reboostés dans les SERPS  cf. https://www.google.fr/search?q=vol+new+york
  • Rachat de Frommers
  • Google+ : un vaste sujet à lui tout seul que j’aborderai ultérieurement tant l’émergence de cette plate forme sociale pourrait représenter une véritable onde de choc pour l’E-tourisme. Bien plus que Facebook qui, il faut le reconnaitre n’a pas eu le moindre effet sur nombre d’acteur majeur du voyage.
  • Lancement de la toute nouvelle version de Google Map (cf en video) que j’ai pu tester et qui va détonner.
  • Et tout récemment la mise en place de Google Now

Google a tous les atouts pour devenir le carrefour N°1 du E-travel

Aujourd’hui Google a tout ce qu’aucun acteur du E-tourisme n’a jamais su mettre en place ces 10 dernières années. Et Google aurait tort de se privé d’un marché qui à lui seul sur le paysage français pesait en 2011 +13 Milliards d’€uro (sur 37 pour le-commerce pris dans son ensemble). Ses atouts ?

Analytique : Une connaissance du marché du voyage en ligne et des attentes des consommateurs hors pair – Le Search (et notamment Adwords), Analytics, AdExchange, Adplanner, Android, Graphe Social, etc. fournissent quantité d’information inestimable à Google.

Contenu : Qualité, exhaustivité et crédibilité (impartialité), de son contenu voyage, tant par le texte (Google Search/News), les photos (Google Image), la video (Youtube) que la profondeur des offres voyages (quel annonceur voyage n’est pas présent sur Google ?)

+ Une visibilité évidemment optimale du contenu Frommer’et Zagat dans les SERPs, l’un des points qui fera s’égosiller nombre de SEO dans le secteur du e-tourisme.

+ Avis utilisateurs exhaustif (Zagat  + Agrégation de reviewers + Google reviews en plein essor)

Technologie Voyage : Intégration produits optimale (comparateur via STA + Frommers)

+ SoLoMo : Déjà 100% Social (Google+) – Local (Google places/business/Offers/Deals/etc.) – Mobile (Android, Techno GPS) notamment avec la montée en puissance de Google Now (Demandez « Mon vol est-il retardé ? » sans plus de précision et Google saura vous répondre 🙂

La Recherche (Saint Graal) : Puissance de la recherche (et notamment la recherche dite universelle) + technologie de Google permettront (à moyen terme) une expérience utilisateur la plus optimale du E-Travel

Négociation Commerciale : Une position de négociation de taille avec les compagnies aériennes… Mais rassurez vous Google n’endossera pour rien au monde le rôle d’un OTA. La relation au client finale reste réservée au légitime producteur.

+ La qualité d’un service client optimal :  Google exigera de ses partenaires vendeurs de voyages d’adhérer tôt ou tard à sa stratégie TrustedStore http://www.google.com/trustedstores/ ,

+ etc…

La force majeure de Google par rapport à un OTA, est que la dépendance de son modèle économique tient uniquement à son modèle publicitaire et non à un modèle marchand et qu’il affranchit le consommateur final d’un intermédiaire qui n’a plus guère de valeur ajoutée. Que ses clients (les annonceurs voyage) il les a déjà, et qu’ils attendent tous (à l’exception des revendeurs i.e.OTA par exemple, cad ces « intermédiaires ») la mise en place de service leur permettant d’améliorer leur vente directe et donc de s’affranchir eux aussi d’intermédiaire.

Quel avenir pour les OTA ?

Les OTA ont trop tardé à développer une stratégie de contenu différentiante qui aille au delà de la stratégie purement SEO. Ils ont fait du contenu pour plaire à Google mais pas aux utilisateurs. Et aujourd’hui les OTA lorgnent sur les nouveaux supports de contenu (Social Local Mobile – Solomo) et les technologies afférentes  plus que les contenus eux-mêmes. Bis repetitas. Ben oui pour être efficace sur les réseaux sociaux, faire du buzz naturellement, il faut avoir une stratégie de contenu (ligne éditoriale, photo, vidéos, offres ad hoc, etc.). Pour bénéficier d’audience Locale et Mobile il faut du contenu exhaustif et adapté, sans cesse mis à jour, ce qu’aucun acteur du E-travel ne peut s’offrir aussi bien que Google…

Je vois un avenir plus que morose pour les acteurs du E-travel qui ne sauront pas se différencier clairement par :

  • Qualité de service client irréprochable
  • CRM extrêmement fin et efficace (80% des OTA que je connais en sont encore à l’âge de Pierre).
  • Qualité d’offres exclusives (difficile en ces temps) et adaptée.
  • Une chaine de valeur irréprochable

Aujourd’hui les OTA se spécialisent malgré eux (Odigeo => 85% de vente de billet d’avion ; Expedia & Ebookers => Hôtel ; Lastminute => Séjour & site Media ; Promovacances => Séjours packagé). Et contrairement à Google (Don’t be evil!) – le client n’est pas au centre de leur stratégie.

PS. Aucun OTA ne peut désormais se prévaloir de meilleurs tarifs qu’auprès des compagnies aériennes directement, ni des producteurs (TO) qui vendent en direct.

Quel Avenir pour les Tours opérateurs (TO) ?

Une nouvelle opportunité pour afficher ses offres (avantages aux TO-Distributeur), des perspectives de gains plus alléchantes (moins d’OTA comme intermédiaire), meilleure répartition de son budget de marketing online (moins « Adwords Centric »). Possibilité d’émerger rapidement si une bonne stratégie d’acquisition Online est mise en place et si la qualité de son SAV est remarquée.

Quel avenir pour les Guides de voyages ?

Les Guides de Voyages ont trop tardé à développer une stratégie de monétisation. Mauvais SEO, frilosité vs papier, rigidité, erreur de stratégie ? Ces guides auraient du chercher des revenus au delà de simple revenus publicitaires, par des intégrations produits intelligentes et contextualisées aussi bénéfiques à leur SEO, à l’expérience utilisateur qu’à leur CA. Le Guide du Routard est sans doute celui qui s’en sort le mieux , captant la majeure partie de son trafic non pas sur le pâle copier/coller du guide papier éponyme, mais sur son forum (merci Google et le sacro saint UGC) et en intégrant des offres de voyages contextualisées lui permettant d’assurer un certain CA publicitaire.

En conclusion…

Google est en très bonne position pour tirer le maximum de bénéfice (financier et d’image) d’une stratégie visant à affranchir le voyageur en recherche active de son voyage de sites intermédiaires. Les Agences de Voyages en ligne, qui ont conscience de la stratégie voyage de Google, doivent pour survivre à cette désintermédiation rampante, changer de stratégie en développant une bien meilleure relation client (CRM et SAV) et arrêter de racheter sans cesse ses propres clients, de meilleurs contenus plus inspirationnels et différenciant pour véritablement séduire ses clients (on arrête d’acheter du contenu à Madagascar…), une plus grande profondeur et exhaustivité de l’offre pour que ces mêmes clients aillent moins voir ailleurs, voire leur proposer la comparaison avec la concurrence (Unique Sales Point). Quant à la stratégie de prix : si les acteurs d’aujourd’hui se battent autant sur le prix c’est en grande partie parce qu’ils sont très dépendants des comparateurs, eux-même devenus trop dépendants de… Google. Je ne crois plus en la guerre des prix à tout va, le voyageur a désormais besoin de vivre une expérience et se sentir impliqué dans le choix de son voyage plus que de trouver le prix le moins cher. D’ailleurs avec l’émergence des acteurs de la consommation collaborative dans le voyage on voit qu’expérience peut tout à fait rimer avec petit prix (cf. Hébergement chez l’habitant avec BedyCasa ou Airbnb, Co-Voiturage avec Blablacar, Evaneos, Car Sharing avec Drivy, etc.) tout en donnant une place immense au client (voyageur comme fournisseur du service).

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